Présence de chlorothalonil R471811 dans l'eau : les réponses à vos questions

Suite à la découverte de la présence de chlorothalonil R471811 dans l'eau (métabolite d'un fongicide interdit depuis 2020), l'Agglomération a pris la décision, suivant un principe de précaution et à titre préventif, de mettre temporairement à l’arrêt tous ses captages d’Aunis et de distribuer aux habitants uniquement de l’eau provenant de Coulonge et Saint-Hippolyte Eau17. Annoncée le 18 octobre 2023, la mesure sera effective fin octobre, le temps de raccorder manuellement les réseaux et de s’assurer de leur bon fonctionnement.

Le chlorothalonil a été mis sur le marché en 1970. Il est entré dans la composition de nombreux produits phytosanitaires pour les céréales, légumes, fleurs, gazon… et biocides pour les peintures, produits de traitement du bois…

En France, son usage en tant que biocide n'est plus autorisé depuis 2010, et depuis 2019 en tant que substance active phytosanitaire, suite au non renouvellement de son approbation par l’Europe. En pratique, l’utilisation des stocks a été tolérée jusqu’en mai 2020.

En-dehors de l’Europe, ce produit est encore utilisé dans de nombreux pays.

Le chlorothalonil est la molécule qui entre dans la composition d’un fongicide. Un fongicide est un produit utilisé pour lutter contre les champignons qui causent les maladies des plantes comme le mildiou, l’oïdium, les moisissures...

Une fois appliquée sur les cultures, la substance active se dégrade sous l’effet de différents facteurs et donne naissance à d’autres molécules qu’on appelle « métabolites » ou « molécules filles ».

Le chlorothalonil-R471811 est un métabolite, ou produit de la dégradation du chlorothalonil.

Les métabolites n’ont pas toujours les mêmes propriétés physico-chimiques que la molécule dont ils sont issus : activité biocide ou phytosanitaire, toxicité, solubilité dans l’eau, mobilité dans le sol...

La substance active du chlorothalonil est très peu soluble dans l’eau, contrairement à son métabolite chlorothalonil-R471811 qui est très rémanent et facilement entrainé par les eaux de ruissellement vers les cours d’eau ou les nappes.

Dans le cas des autorisations de mise sur le marché des pesticides, l’évaluation de leurs potentiels effets sur la santé est évalué :

  • à l’échelle européenne par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA),
  • à l’échelle française par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).

Cette évaluation est établie en fonction des données disponibles au moment de l’étude. Elle évolue au fur et à mesure de la publication de nouvelles connaissances scientifiques.

En 2019, l’EFSA a classé le chlorothalonil en catégorie 1B* « substance dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé». La substance a alors été retirée du marché.

L’EFSA n’a pas statué sur les potentiels effets sur la santé du chlorothalonil R-471811. Le Ministère de la Santé a demandé le 1er février 2021 à l’ANSES d’étudier cette question.

L’ANSES a rendu son avis le 26 janvier 2022 et classé le chlorothalonil-R471811 en métabolite « pertinent », ce qui veut dire que la molécule est suspectée de présenter un risque pour la santé humaine.

Il manquait cependant plusieurs éléments pour étayer cette décision et l’ANSES a appliqué le principe de précaution en attendant de les avoir. Une mise à jour est attendue pour début 2024.

* Selon le règlement CE n°1272/2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, il y a trois catégories de substances cancérogènes ou susceptibles de l’être :

Catégorie 1 : « cancérogènes avérés ou présumé pour l’être humain »

1A : « substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est avéré »

1B : « substances dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé »

Catégorie 2 : « substances susceptibles d’être cancérogènes pour l’homme »

C’est en Suisse que le chlorothalonil-R471811 a été détecté pour la première fois, en 2017. Une campagne de recherche systématique a été lancée en 2019. Elle a mis en évidence la présence généralisée de cette molécule dans les eaux souterraines.

En France, l’ANSES mène régulièrement des campagnes comparables. Vu les résultats publiés par la Suisse, celle de 2020-2021 a porté sur une liste de pesticides et métabolites de pesticides non analysés habituellement dans le cadre du contrôle sanitaire mis en œuvre par les ARS. Des métabolites du chlorothalonil ont été recherchés.

Les résultats de cette étude ont été rendus publics en mars 2023. Le chlorothalonil-R471811 a été quantifié dans plus de 50% des échantillons d’eaux brutes et d’eaux traitées de France (60% en eaux brutes et 57% en eaux traitées).

Les laboratoires d’analyse ont alors été incités à développer des protocoles de mesure. Les Agences Régionales de Santé ont ajouté le chlorothalonil-R471811 à leurs contrôles de routine. En Charente-Maritime, c’est le cas depuis le 1er juillet 2023. L’agglomération de La Rochelle avait communiqué sur ce sujet au mois d’août 2023.

C’est important pour l’application de la réglementation relative à la surveillance de la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, qui vise à garantir la sécurité des consommateurs.

L’arrêté du 11 janvier 2007 fixe les limites de qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

Pour les pesticides et les métabolites « pertinents », la limite réglementaire de qualité dans l’eau du robinet est fixée à 0,1 μg/L par molécule, et à 0,5 μg/L pour le total des molécules quantifiées.

Ces valeurs ont pour objectif de maintenir la présence de ces composés à un niveau bas et sécuritaire. Ce sont des seuils d’alerte qui appellent des mesures correctives de la part des personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau potable.

A la concentration de 0,1 µg/L, l’eau est qualifiée de « non conforme » (sous-entendu : à la réglementation en vigueur, c’est-à-dire l’arrêté du 11 janvier 2007). Cela ne veut pas dire que l’eau n’est pas potable.

Pour déterminer si l’eau reste potable malgré le dépassement du seuil de 0,1 µg/L, l’Agence Régionale de Santé examine la « valeur sanitaire maximale » propre à chaque molécule. Cette « valeur sanitaire maximale » est déterminée par l’ANSES sur la base de l’ensemble des connaissances scientifiques disponibles.

Pour les molécules sur lesquelles l’ANSES n’a pas encore pu statuer, c’est une « valeur sanitaire transitoire » choisie par le Ministère de la Santé sur la base des recommandations du Haut Comité de Santé Publique qui fait référence.

Lorsqu’un « métabolite pertinent » dépasse la « valeur sanitaire maximale » ou à défaut, la « valeur sanitaire transitoire », l’eau est considérée comme non potable et des restrictions d’usage décidées par l’Agence Régionale de Santé.

Le chlorothalonil-R471811 est un métabolite « pertinent ». D’après l’arrêté du 11 janvier 2007, la limite règlementaire de qualité dans l’eau au robinet du consommateur est donc de 0,1 µg/L.

La valeur sanitaire maximale n’étant pas encore connue, une valeur sanitaire transitoire a été fixée à 3µg/L par le Ministère de la Santé sur proposition du Haut Comité de Santé Publique : avis du HCSP du 18 mars 2022.

Cette valeur fait référence jusqu’à ce que l’ANSES ait terminé la réévaluation de la pertinence du chlorothalonil-R471811 (voir question 4), et statué sur une valeur sanitaire maximale si nécessaire (voir question 5).

Le schéma ci-dessous illustre les 3 situations possibles pour l’eau du robinet dans le cas du chlorothalonil-R471811 :

Schéma des 3 situations possibles pour l’eau du robinet dans le cas du chlorothalonil-R471811

Depuis le 1er juillet 2023, l’ARS a ajouté 8 molécules à la liste de celles recherchées dans le cadre du contrôle sanitaire en Charente-Maritime. Le chlorothalonil-R471811 en fait partie.

Les premiers résultats disponibles révèlent la présence généralisée du chlorothalonil-R471811 dans toutes les ressources utilisées pour la production d’eau potable dans l’ensemble du département de Charente-Maritime, mais aussi dans les départements voisins, en France et dans de nombreux autres pays.

Les analyses effectuées entre le 1er juillet et le 16 octobre 2023 dans l’eau distribuée dans l’agglomération de La Rochelle ont montré la présence de chlorothalonil-R491811 à des concentrations qui varient selon la date et le lieu de prélèvement entre 0.093µg/L et 1.9µg/L.

L’ensemble de l’eau distribuée dans l’agglomération de La Rochelle, bien que « non conforme » à la réglementation en vigueur (voir question 6), est loin d’atteindre la « valeur sanitaire transitoire ». Elle reste par conséquent consommable sans danger pour la santé, y compris par les nourrissons, les femmes enceintes, les enfants et les personnes âgées ou fragiles.

Si la « valeur sanitaire transitoire » de 3µg/L était dépassée dans l’eau du robinet, des restrictions d’usage seraient décidées par l’Agence Régionale de Santé et communiquées aux usagers par tous les médias mobilisables (internet, télévision, radio, journaux, affichages…).

En accord avec l’ARS, le service Eau potable de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle a fait réaliser des analyses supplémentaires de l’eau.

Vu la qualité des eaux souterraines en Aunis (entre 1.4 et 2.9µg/L), il a été décidé par précaution de mettre temporairement à l’arrêt les captages concernés, dont les captages historiques de la ville de la Rochelle.

Pour maintenir le service aux habitants, l’ensemble des communes sera alimenté uniquement avec de l’eau potable provenant des usines de potabilisation de Coulonge (Communauté d’Agglomération de la Rochelle) et de Saint Hippolyte (Eau17).

Ces eaux sont issues du traitement du fleuve Charente et de forages profonds situés à proximité de l’usine de Coulonge. Le chlorothalonil- R471811 y est 10 fois moins présent que dans les nappes superficielles de l’Aunis.

Cependant, même si les marges de sécurité sont plus importantes, les contrôles de l’ARS vont être multipliés pour suivre l’évolution de la concentration en chlorothalonil- R471811 dans le fleuve Charente, en particulier avec le lessivage des sols par les pluies hivernales.

Cette modification ne change rien pour l’usager.

Elle porte cependant la production de l’usine de Coulonge pratiquement à sa capacité maximale. En hiver, les besoins devraient pouvoir être couverts sans problème. En été en revanche, période de plus forte consommation, la situation quantitative risque d’être plus tendue.

Le retour à une situation de « conformité » n’est pas possible à court terme car toutes les ressources mobilisables dépassent la valeur de 0.1µg/L et que les traitements existants sont peu ou pas efficaces sur le chlorothalonil-R471811.

Le service Eau potable devra donc élaborer un plan d’actions à plus long terme et le présenter au Préfet à l’appui d’une demande de dérogation.

Les données des résultats du contrôle sanitaire sur la qualité de l’eau du robinet sont publiques :

  • Les résultats des analyses du contrôle sanitaire sont publiés en continu sur le site du ministère chargé de la santé: https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/eaux/eau
  • Une fiche d'information annuelle de la qualité de l'eau rédigée par l'ARS est adressée aux abonnés à l’occasion d’une facture d'eau. Cette synthèse reprend les éléments issus du contrôle de l’eau (microbiologie, nitrates, pesticides, etc.) et présente des recommandations d’ordre sanitaire, en particulier vis-à-vis du plomb, des nitrates et du fluor. On peut la retrouver ici : https://carto.atlasante.fr/1/ars_metropole_udi_infofactures.map

Bien que ce problème doive en premier lieu être réglé par les personnes responsables de la production et de la distribution de l’eau potable, le consommateur est libre de procéder à toute installation destinée à son usage privé.

Il est toutefois recommandé de demander des garanties d’efficacité du système installé, et de la potabilité de l’eau traitée. Un entretien très rigoureux peut être nécessaire, sous peine de générer d’autres problèmes de qualité d’eau, comme des développements bactériens qui peuvent être plus néfastes à la santé à court terme que la présence de traces de pesticides.

Les méthodes suivantes notamment sont inefficaces sur le chlorothalonil-R471811 :

  • Faire bouillir l’eau avant consommation : pour détruire la molécule il faut des températures bien supérieures à la température d’ébullition de l’eau.
  • Utiliser des carafes filtrantes : le charbon actif ne piège pas le chlorothalonil-R471811 ; même celui employé par les PRPDE (les services responsables de la production ou de la distribution de l'eau potable) dans les usines de production d’eau potable n’y parvient pas bien.
  • Consommer de l’eau embouteillée : cela peut être une solution, mais il faut vérifier que sa composition est compatible avec votre état de santé. Les informations peuvent être demandées auprès du service consommateur indiqué sur l’étiquette de la bouteille. NB : aucun dégrèvement sur la facture d’eau n’est prévu pour les personnes qui choisissent cette solution.

Il est probable que des métabolites du chlorothalonil soient présents dans les eaux potables depuis les années 70, quelque temps après le début de son utilisation en agriculture.

L’utilisation du chlorothalonil est interdite depuis mai 2020. Les concentrations en chlorothalonil-R471811 vont donc décroitre, mais il est probable qu’il faudra plusieurs années ou décennies pour revenir à des concentrations minimes dans les eaux superficielles et souterraines.

Il est techniquement possible mais très couteux de le retirer de l’eau potable par des traitements plus poussés que ceux qui sont actuellement en place. En outre ce n’est pas une solution au problème de santé publique et environnementale global et récurent que pose l’usage généralisé des pesticides.

Car de nombreuses autres molécules sont utilisées tous les jours. La majeure partie des apports en pesticides par l’alimentation ne provient pas de l’eau mais de la consommation de fruits, légumes, céréales... (ANSES (2013) Evaluation des risques liés aux résidus de pesticides dans l’eau de distribution, cf. p. 81)

Les autres sources d’exposition sont l’air, les poussières et les sols, le contact direct par la peau comme par exemple l’application de produits vétérinaires.

Une protection préventive des eaux est indispensable. Le problème de la contamination aux pesticides doit être traité à la source et les apports de substances réduits.

L’Agglomération de la Rochelle a opté pour la compétence optionnelle « protection de la ressource ». Au sein du service Eau potable, deux personnes accompagnent depuis 2005 les agriculteurs dans leurs changements de pratiques sur les bassins d’alimentation des captages, mais la lutte avec la politique agricole mondiale est inégale.